observatoire des sondages

Fleurs et sondages : OpinionGate (3)

lundi 28 septembre 2009

Dans ce pays souvent baptisé « la plus grande démocratie du monde », l’observation de la presse apporte cette révélation : aucun sondage n’est publié. On pourra objecter que plusieurs voyages et deux mois de présence ne suffisent pas à clore l’enquête. Il y a néanmoins de quoi s’interroger sur cette évidence que ne cessent de psalmodier les sondeurs : les sondages n’existent qu’en démocratie. Ils l’affirment tous d’un ton qui ne supporte pas la contradiction : « Il y a des pays sans sondages : je ne vous souhaite pas d’y vivre » (Denis Delmas, Le Figaro, 15 octobre 2007). Pour eux, l’Inde n’est donc pas un pays démocratique. On peut cependant y vivre.

Au moment où l’OpinionGate défrayait la chronique en France, il aurait fallu être naïf pour s’attendre à ce que la presse indienne évoque les sondages. Trop exotiques. Et l’actualité française n’y fait pas recette sinon le tour de France et la vie du couple présidentiel. Or, l’écho du rapport de la Cour des Comptes sur les finances de l’Elysée parvint bien au subcontinent : à propos des fleurs coupées que l’épouse du président chérissait selon les quotidiens Hindustan Times (22 juillet 2009) ou Indian Express. Le budget élyséen des fleurs coupées atteignait la coquette somme de 660 livres sterling par jour, s’étonnaient-ils.

Focalisée sur l’OpinionGate, la presse française n’avait rien vu. Il fallait reprendre soigneusement la lecture du rapport de la Cour des Comptes pour dénicher l’information. Au détour d’une ligne, le mot « fleurs » apparaissait avec une somme entre parenthèses (275 809 euros). A cette mention discrète, avaient été manifestement appliquées les remarques faites par la Cour pour d’autres dépenses de boucherie, légumes ou fromages. Un journaliste avait simplement divisé la somme totale par le nombre de jours et converti en livres sterling. La passion pour les fleurs coupées de l’épouse du président était censée tout expliquer alors que la précédente épouse présidentielle coupait les fleurs du jardin de l’Elysée.

Rien d’une enquête sophistiquée. La presse indienne n’avait fait que répercuter l’information parue dans la presse anglaise. Le London Evening Standard avait publié un papier de son correspondant à Paris dès le 21 juillet. Pour la perfide Albion, l’affaire tombait à pic alors que des dirigeants politiques britanniques étaient convaincus de multiples abus depuis des mois. Au même moment, Whitehall avait aussi son affaire de dépenses florales vertigineuses. Cela n’avait donc pas lieu qu’au Royaume Uni. Cette affaire quasiment anglo-anglaise mêlait sans vergogne people et french bashing.
La presse française n’évoqua pas une information aussi futile et pas tout à fait innocente. Tant pis pour les amis restés dans l’Hexagone. Fleurs coupées ? Il fallait lire la presse étrangère. Ne dit-on pas que le monde est devenu un village de la communication instantanée ? Dans la presse française, il s’était passé autre chose que l’ignorance généralisée : une sorte d’accord tacite et unanime sur le caractère futile de l’information. En découvrant ce mépris justifié, on constata aussi que la presse française consacrait ses colonnes à des choses sérieuses comme les sondages de la rentrée même si on a oublié lesquels. Et comme s’il ne s’était rien passé.

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